L’utilisation des données d’entrainement en cyclisme : intérêts et limites

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Les données d’entrainement ont pris une très grande importance aujourd’hui que ce soit chez les jeunes cyclistes, les athlètes amateurs ou professionnels. Les données de puissance, de fréquence cardiaque ou autres sont devenues des marqueurs incontournables de l’entrainement moderne. Le Tour de Franc affiche même depuis peu certaines données des coureurs à l’écran.

Certaines équipes de niveau National ou professionnelles demandent très souvent les données de puissance des potentielles recrues même si certaines ont à peine 18 ans. Dans certaines Section d’Entrainement et de Formation (SEF), des jeunes femmes cyclistes cadettes passent déjà des tests physiques à partir de Home-trainers intelligents.

Cette profusion de données sont analysées à partir de logiciel d’entrainement qui compilent et créent un profil estimé de l’athlète en fonction de ces données.

Quel(s) intérêt(s) un athlète, un directeur sportif ou un entraineur peut-il retirer de ces différentes données ? Cette utilisation des données dans le processus d’entrainement a-t-elle des limites ? Est-elle véritablement essentielle dans un processus d’entrainement ? Quelle est ma vision d’entraineur sur le sujet ? A-t-elle évolué ?

Ce sont les questions auxquelles je vais tenter de répondre dans cet article.

1-Les écueils de l’utilisation de données d’entrainement

Toute nouvelle technologie ou instrument est très intéressant pour l’entrainement, faire progresser un athlète et rendre un entraineur plus compétent dans son travail.

Pour autant, il est tentant d’utiliser des données pour entrainer un coureur et oublier les réalités du terrain. Un athlète est une personne avec son caractère et son environnement de vie propre. Il n’est pas possible de classer un potentiel avec pour seuls critères des données de puissance récoltées lors de tests physiques aussi intéressants et fiables possibles (idem pour des données cardiaques). Une performance sportive, a fortiori en cyclisme, dépend d’une multitude de facteurs objectifs et subjectifs (techniques, psychologiques…). Par exemple, un athlète peut avoir un grand potentiel au sprint selon un test mais n’est pas capable d’évoluer aisément dans un peloton. Il lui sera donc très difficile d’être un sprinter s’il n’apprend pas d’à se sentir à l’aise dans le peloton.

De mon point de vue, il est nécessaire de ne pas oublier que certains modèles de quantification de l’entrainement comme celui de Coggan par exemple sont des modèles mathématiques. Cette dimension fait qu’ils ne prennent pas la dimension subjective de tout entrainement individuel. Ce sont de très bons outils d’aide à l’entrainement mais ce sont des outils parmi d’autres et leur utilisation doit être faite avec recul.

2-Être capable d’utiliser les données d’entrainement dans l’intérêt du cycliste et de son propre travail d’entraineur

Toutes données tirées d’un instrument d’entrainement comme un capteur de puissance doit, selon moi, n’être qu’une aide à l’orientation et à l’adaptation de l’entrainement d’un(e) cycliste. A titre d’exemple, des tests physiques effectués à l’aide d’un capteur de puissance permet de créer des zones d’entrainements individualisées. Ils permettent aussi, s’ils sont faits régulièrement durant plusieurs années, de suivre l’évolution de l’athlète dans le temps et de quantifier ses progrès.

Les données tirées après une compétition grâce à un logiciel d’entrainement, permettent de cerner pour quelles raisons un coureur n’a pas réussi à atteindre son objectif par exemple. Est-ce un problème de placement, une inattention ou est-ce qu’il n’était pas près physiquement à faire face à l’effort imposé ? Dans le dernier cas, après une analyse minutieuse des données, un entraineur compétent doit pouvoir déceler le problème et proposer au coureur des pistes précises pour remédier au problème.

Prenons un exemple. Un cycliste avait pour objectif principal de finir dans les dix premiers coureurs du contre-la-montre des championnats de France amateur de cyclisme. Le jour de la course, il termine malheureusement dix-huitième. Grâce ses courbes de puissance, ses courbes cardiaques, sa courbe de vitesse instantanée et les retours de l’athlète, un entraineur doit pouvoir comprendre qu’elles étaient les sources de la contreperformance du cycliste et de pouvoir travailler dessus pour que la saison suivante, ce dernier puisse atteindre le top 10 des championnats de France.  

Ainsi, avant tout, les données récoltées dans le cadre de l’entrainement doivent seulement être des outils, des repères pour faire progresser un coureur. Ces données ne doivent pas être l’absolu de l’entrainement mais seulement un moyen essentiel de ce dernier. Le but d’un entrainement bien mené est de faire progresser et de rendre autonome un coureur dans son processus d’entrainement et de performance.

3-Rendre autonome l’athlète dans son entrainement, le but d’une bonne utilisation des données

Ainsi, l’intérêt principal et final de ces données et de leurs analyse et données est de rendre autonome l’athlète dans son entrainement. Ce but d’autonomie suppose donc de transmettre les éléments nécessaires au cycliste. L’objectif ici est de lui donner des repères pour qu’il puisse comprendre et se corriger seul dans son entrainement, pour qu’il ne soit plus désorienté en cas de contre-temps. L’adaptation du coureur dans le cadre de son entrainement est un des facteurs de réussite d’un coureur dans la réalisation de ses objectifs. L’entraineur n’est qu’une aide, un repère dans ce processus.

Dans cette optique, l’apport des nouvelles technologies d’entrainement (capteur de puissance, logiciel d’analyse de données d’entrainement…) est un allié dans l’entrainement et l’autonomisation de l’athlète dans sa démarche de performance. Selon moi, l’objectif d’un entraineur compétent est de faire progresser le coureur mais aussi de le rendre autonome dans sa pratique.